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Depuis peu, je (re)découvre le plaisir de lire des BD. C’est un domaine culturel que je pense avoir longtemps négligé, mais plus par manque de moyens que d’intérêt. Question lectures, c’est moche à dire mais j’ai tendance à raisonner en terme de rentabilité prix/vitesse de lecture. C’est ce qui explique que je lise de moins en moins de magazines, et seulement ceux qui sont bien charnus. Pour les BD, c’est un peu différent; j’aime bien le fait que ce soient des objets qu’on garde, qu’on peut relire dans le temps et, là où on avait été de prime abord happé par l’histoire, la possibilité de découvrir de nouveaux détails, des finesses, des symboles cachés sous le sens du récit.

BD Alfred

Come prima d’Alfred, vous allez vite comprendre pourquoi, fait partie de ces bandes dessinées (quand on est snob, on dit « romans graphiques », il parait que ça fait connaisseur et non ado attardé) qui me sont un peu comme des guides, des rencontres: un récit de voyage, d’initiation et de découverte de soi lors d’un road trip qui va de la France à l’Italie (ça vous rappelle pas quelqu’un, hein?). Tout y est, du poids de l’éloignement à la famille et du temps qui passe sans qu’on soit là aux non-dit, en passant par cette idée du passage de frontières comme une fuite, des autres et de soi, parfois.

(c’était l’instant psychanalyse, vous pouvez remballez le calepin et replier le divan, merci)

come prima prix angoulème

Mais ce qui ne serait qu’un roman d’initiation plutot classique (deux frères fachés qui ne se sont pas vus depuis des années partent pour l’Italie pour y rapporter les cendres de leur père disparu) acquiert une dimension supplémentaire grâce au dessin, d’une économie et d’une finesse aigue, et à l’agencement des vignettes, où les souvenirs se mèlent au présent et à une sorte d’instant second, l’instant d’avant, juste avant que les choses ne basculent et acquierent un sens.

bande dessinée road trip italie

Et tout cela fait que l’histoire n’est pas si simple, pas si linéaire vers la transcendance et le pardon qu’on attend (et auquel on n’assistera, après tout, peut-être pas). Et puis cette BD est avant-tout un voyage et, pour qui connait l’Italie, l’occasion de retrouver mille détails si vrais et parcourus d’un trait si léger, qui font du décor une toile de fond significative pour le récit. En retournant sur les routes de sa jeunesse, Fabio retrouve les rancoeurs, les freins qu’il a quitté en partant, la famille et les rues « trop étroites » pour lui, et peut enfin se départir de la mauvaise foi et de l’arrogance adolescente qu’il a entretenu dans son exil comme un souvenir, un refus de grandir…

Come prima – Alfred – Editions Delcourt – 25,50€