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Il y a quelque temps de celà, notre ami Sergio nous faisait rire aux larmes en nous racontant une légende entendue au sujet du parc Sempione, qu’il traverse tous les jours en vélo pour se rendre au travail… comme il a tendance à exagérer, et aussi à s’embrouiller en racontant, j’avais craint quelque erreur d’interprétation… Après quelques recherches, me voilà en mesure de vous dévoiler l’une des légendes les plus populaires de Milan (et aussi d’une incroyable drolerie, selon moi), qui fait que je n’irai jamais plus au Milano Film Festival en plein air, ni manger une piadine dans le kiosque près de la bibliothèque du parc, sans penser à la légende du fantôme du Parco Sempione

On raconte que ce fantôme est une femme vétue de noir, le visage couvert, selon les conteurs, d’un voile noir ou même d’un masque de cuir noir (déjà, c’est pas commun), qui apparaitrait la nuit, suivie d’un parfum de violette… (non non, rien à voir avec le parfum de la dame en noir)… Loin de se cacher, elle prendrait par le bras les apparemment peu farouches milanais esseulés pour les accompagner dans les allées du parc…

A ce stade, toute personne normalement constituée me dira « m’enfin, je ne suivrais jamais la nuit quelqu’un qui porte un masque de cuir », mais ça n’arrète pas les amateurs de légendes…
A un certain moment de la ballade apparaitrait une mystérieuse villa dans le parc, et le promeneur incrédule y entrerait donc à la suite de la dame (mais si) et ne se sauverait même pas en courant en constatant que toute la maison fût préparée comme pour un deuil, le lit à baldaquin compris… il y grimperait même, sur ce lit, à l’assaut de ladite dame (toujours masquée) pour une nuit torride, raccompagné au petit matin par celle-ci au bord du chemin où ils se sont rencontrés…

Donc, vous suivez, les milanais n’ont peur de rien, et les filles pas farouches n’ont qu’à se procurer un masque pour aller prendre la main de quelque bellâtre au parc, sans crainte d’être repoussées…
On dit aussi qu’aucun des prétendants de la dame n’a jamais retrouvé la villa malgré maintes recherches, et que ceux qui (enfin curieux!) ont voulu au terme de la folle nuit voir le visage de la dame en lui otant son masque, se sont trouvés face à une tête de mort des plus incongrues et ont fui…

J’en déduis qu’il est possible de ne se « squelettiser » que du visage et non du corps (sinon, j’ose espérer que, si ivres soient-ils, les types se seraient aperçus de quelque chose avant le terme de la nuit)…
Autre détail comique, le femme est toujours décrite comme incroyablement belle, alors que, rappelez-vous, son visage comme sa silouhette sont drapés de noir… une preuve de la futilité milanaise qui juge les gens d’après l’habit? ou plutôt une façon commode d’expliquer que des passants la suivent sans chercher à en savoir plus? (peine perdue de toute façon si l’on considère que la dame ne parle pas…)


Bon, me direz-vous, qui est donc cette demoiselle insatiable et hospitalière? En réalité c’est difficile à dire, tant sont nombreuses les femmes ayant connu un destin tragique dans le chateau dont dépend le parc… ce pourrait etre Bona di Savoia… ou encore Bianca Sforza, morte pendant la nuit de ses noces avec Galeazzo Sanseverino… ou encore Beatrice d’Este morte en couche, ou bien Bianca Scappardone Visconti ayant vécu allégrement entre plusieurs amants, qui fut décapitée en 1526… et à qui, semble-t-il, la compagnie masculine manquerait?

Que lui conseiller, sinon peut-être, la compagnie d’une autre dame semblant elle aussi hanter le parc, une certaine Isabella da Lampugnano mise au bûcher pour sorcellerie en 1519, mais qui, loin d’être hostile, s’amuserait à se moquer des passants, qui, pour oser colporter de telles énormités, l’ont bien mérité!