Sélectionner une page

Je vous entends d’ici râler au sujet de mon débit d’articles relatifs au Salon du design milanais… Je tiens à rappeler pour ma défense que c’est peut-être la dernière fois cette année que j’avais l’occasion de l’écumer avec autant d’exhaustivité et que, si j’ai pris la peine d’aller voir même les expos qui a priori ne m’intéressaient pas nécessairement, c’était avant tout pour vous montrer les lieux d’exposition qui sont rarement ouverts au public et dont la vue n’aura pas manqué de vous remplir de joie et d’émerveillement (si). Parce que s’il ne tenait qu’à moi, je me contenterais peut-être, après toutes ces années, de flâner au hasard en ville à la recherche de quelque projet poético-designé (voilà, je suis vieille donc blasée). 

sybrandy studio

Le problème, c’est que rien n’indique ces petites pépites au milieu des stands de mobilier sans intérêt! Et qu’il n’y a pas un « spot à projets de doux rêveurs » signalé sur la carte des différents quartiers! Voilà pourquoi, même quand on est blasé et qu’on a l’impression d’avoir tout déjà vu, on est quand même obligés de quadriller la ville en entier! Pour ceux qui n’ont pas cette chance, ou qui auraient loupé le coche à trop courir les cocktails huppés (je vous pardonne, le Prosecco rend n’importe quelle tabouret digne d’intérêt), voici une petite sélection de jolies choses à méditer…

On commence avec les projets bulleux du Sybrandy Studio, un studio hollandais qui a travaillé sur l’éphémère et tenté de capturer l’instant au travers d’objets du quotidien revisités.

homo bulla est sybrandy studio

homo bulla est sybrandy studio

J’ai bien aimé aussi le projet d’architecture un peu obscur d’Espen Lunde Nielsen sur les grill bars danois, leur importance d’un point de vue de l’interaction sociale et l’intérêt souvent négligé de leur architecture qui favorise les relations interpersonnelles et crée un sentiment fort d’appartenance collective (en amoureuse des cabanons de plage, kiosques à journaux et autres chiringuito milanais, je ne peux qu’approuver). Pour illustrer ces propos, l’architecte a imaginé une sorte de générateur à souvenirs collectifs qui, tout en mesurant l’occupation de l’espace au grill bar danois d’Aarhus, par la magie de la 3G réstitue à Milan en temps réel une vue recomposée de l’espace (c’est un peu alambiqué mais l’installation sur place était top, entre vues sélectionnées, impression simultanée et mots choisis)

espen lunde nielsen milan 2015

espen lunde nielsen grill bar occupation

espen lunde nielsen

Dans le genre il faut se donner la peine de lire sinon on ne voit pas l’intérêt, j’ai beaucoup aimé le projet de Zuzana Gombosova sur les « ressources invisibles ». L’idée, c’est de produire de la matière à partir de micro-organismes et notamment de faire croître de la cellulose bactérienne (et non végétale). La difficulté réside dans le contrôle du développement bactérien dans un but productif: ici une sorte d’imprimante biologique nourrit les bactéries là où elles doivent se développer. Le but n’est pas ici de proposer des objets mais d’interroger les procédés, les nouveaux moyens de production envisageables et les notions de contrôle du vivant.

zuzana gombosova invisible resources

zuzana gombosova invisible resources

Autre joli projet, celui d’Anne Büscher, seven fictive dining ceremonies, une série de couverts qui fait réfléchir sur leurs usages possibles, hors des situations de repas, et encourage au détournement comme au rêve au travers de mises en scène poétiques à base d’aigrettes, de sables et de bulles de verre…

seven fictive dining ceremonies

anne buscher fuorisalone milano 2015

 En fait, le souci avec les projets des rêveurs, c’est qu’ils sont tellement conceptuels qu’on s’éloigne parfois même de l’idée de design. Il n’y a parfois pas d’objets conçus et la démarche est plus artistique que productive… Ce qui ne gâche en rien selon moi la qualité des installations proposées, la réflexion étant aussi, si on y réfléchit bien, une forme de production immatérielle. Ainsi la collection de trésors d’Iris Claessens composée de cailloux, pinces, fossiles, bulles de résine… Des trésors qui, à eux seuls, sont des petits manifestes de perfection naturelle, des pépites à la mécanique parfaite ou involontairement conceptuelles…

treasures of nature

iris claessens fuorisalone 2015

iris claessens treasures of nature

iris claessens design

Toujours dans la zona Ventura, je me suis laissée séduire par la petite installation olfactive de Mickaël Wiesengrün. Intitulée Révélateur et introduite par une vidéo de Sissel Tolaas sur le potentiel inexploré de notre odorat qui, entraîné, nous ouvrirait probablement de nouvelles possibilités, elle mettait en évidence l’odorat comme vecteur de mémoire. Comme Proust avant lui avec ses souvenirs d’aubépine au bord du chemin, le designer français a travaillé sur la mémoire du lieu d’exposition dédié cette année à la design Academy d’Eindhoven, un ancien dépôt de vin et orangeades. En distillant dans l’espace les odeurs du passé, il crée une connexion temporelle entre le moment présent et l’histoire du lieu qui l’abrite. C’est à la fois scientifique, poétique et vaguement psychanalytique, donc j’abdique!

Mickaël Wiesengrün révélateur milano 2015

Mickaël Wiesengrün révélateur milano 2015

C’est tout pour aujourd’hui! (Mais si vous en voulez encore, n’hésitez pas à demander, je n’ai pas encore épuisé les stocks d’images et concepts emmagasinés pendant la design week). Je m’arrêterais bien là, mais voyez-vous on n’a pas encore parlé de Tom Dixon (sacrilège) et rien que pour ça, un complément s’imposera!