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après tant de Tom Sharpe, et meme si c’est là une lecture agréable, m’est revenue l’envie d’un bon vieux Romain Gary… et en parlant de « bon vieux », j’ai visé plutot juste, puisque mon choix s’est porté sur  » au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable »… déjà rien que le titre, me voilà conquise, tu parles d’une critique impartiale… c’est l’histoire d’un certain Jacques, éditeur qui, à l’aube de ses 60 ans, doit faire face à une défaite financière qui le contraint de vendre sa société à quelque obscure concurrent allemand, alors qu’au meme moment s’insinue en lui la crainte du déclin sexuel, qui cristallise sa peur de la vieillesse et de la défaite en général… (wahou t’as vu l’entrée en matière)un roman cruel et sans détours, qui ne nous épargne ni les consultations mèdicales chez divers spécialistes, ni les regards compatissants des proches dudit Jacques… et si le tout échappe à la tragédie, ce n’est que, comme toujours chez l’épatant Gary, grace à l’humour dont font preuve l’ensemble des personnages (dans la vraie vie les gens n’en ont pas tant, malheureusement), à la fois le médecin (« votre honneur de Français, de patriote et de résistant n’est pas en cause »), les camarades de défaite (« l’autre jour j’étais comme ça étendu sur le dos, après la bataille, ça n’avait pas marché, et la bonne femme m’a regardé en se rhabillant, et je faisais une drole de gueule, du genre à titre posthume »), la petite amie (« je t’ai déjà écrit une dizaine de lettres que j’ai envoyées à mes amies à Rio pour qu’elles rê vent de toi. tu vas être un amant légendaire au Brésil ») et le personnage principal lui-meme (« je sais que les vigoureux sexagénaires recommencent parfois à avoir des conversations d’adolescents, mais tout de meme… », « quand tu seras premier ministre, n’oublie pas de créer un secrétariat à la condition masculine. c’est à revoir »)…

Mais une histoire pas si drole tout de même, si l’on songe que Romain Gary l’a écrite à 61ans, et que c’est sans doute cette peur du déclin qu’elle évoque qui aura poussé ce brave Gary au suicide… lui qui disait: « Vieillir ? Catastrophe. Mais ça ne m’arrivera pas. Jamais. J’imagine que ce doit être une chose atroce, mais comme moi, je suis incapable de vieillir, j’ai fait un pacte avec ce monsieur là-haut, vous connaissez ? J’ai fait un pacte avec lui aux termes duquel je ne vieillirai jamais. »